9/01/2008

Le SAC, la part d’ombre du Gaullisme

François Audigier, Stock


SAC. Rarement un nom n’aura engendré autant de fantasmes et de peur chez les militants de gauche et d’extrême gauche. Pourtant il existe peu de livres consacrés au SAC. Parmi les plus célèbres on trouve bien sûr B comme Barbouze de Dominique Calzi ( alias Patrice Chairoff) et Aux Ordres du SAC de Gilbert Lecavelier. Ces 2 livres ont la particularité d’avoir été écrits par deux anciens membres du SAC. Si ils sont intéressants à lire pour leurs nombreuses anecdotes, ils sont cependant incomplets. Dominique Calzi, à l’époque, cherchait à régler des comptes avec ses anciens collègues et le livre de Lecavelier, malgré un titre alléchant, n’est pas à proprement parler sur le SAC, mais plutôt sur les liens unissant celui-ci et l’ED. Avec ce livre, Audigier nous raconte pour la première fois l’histoire du SAC, ou plutôt des SAC. L’auteur dévoile, raconte l’histoire du service d’ordre gaulliste, de sa genèse à sa fin tragique avec la tuerie d’Auriol en mai 1981.

Si dans l’esprit des gens, le SAC est né en décembre 1959, son fonctionnement remonte en fait au lendemain de la guerre, avec la création du SO du RPF. A travers les premiers chapitres, l’auteur nous plonge dans une France à l’ambiance oubliée où tous les meetings politiques étaient perturbés par des opposants, où pour exister il fallait avoir un service d’ordre efficace pour s’imposer et s’exprimer. Audigier s’emploie à décrypter également le mode de pensée des premiers membres du SAC. Il décrit une vision du monde qui va façonner les futurs membres de ce mouvement. Cette vision, c’est celle d’individus qui, à la fin de la guerre, ont du mal à retourner à la vie civile, après avoir connu la guerre et la clandestinité. Ces personnes dont l’anticommunisme n’a d’égal que leur admiration pour De Gaulle sont intégrées au SO pour faire face aux communistes, par la force s’il le faut. Elles se retrouvent dans une logique proche de celle qui était la leur dans la résistance, avec pour ennemi non plus les nazis mais les communistes. C’est également dès l’après-guerre que les liens entre le futur SAC et les malfrats vont se nouer . Audigier nous rappelle également comment le SAC, d’un commun accord entre ses membres, gaullistes mais Algérie Française et sa direction, a été tenu à l’écart de la lutte contre l’OAS. D’ailleurs dans les années 70, de nombreux membres de l’OAS rejoindront le SAC. Audigier décrit les dérives mafieuses de ses membres, les idées qui régnaient dans ses rangs, ses méthodes, le SAC et mai 68 ( avec la fameuse affaire des stades où les opposants de gauche devaient être enfermés) et enfin ses contacts avec l’extrême droite. Tout au long du livre, on découvre un mouvement qui échappe peu à peu à ses créateurs. Si l’attachement à De Gaulle était pour certains la seule motivation de participer à ce mouvement, il semble évident que ce n’était pas le cas pour les malfrats ou les mercenaires qui attendaient en retour de leurs « coups de mains » de se voir assurer une totale impunité. Il est dommage que ce livre ne s’attarde pas davantage sur certains points, comme sur l’importance des militants d’extrême droite dans les rangs du SAC lors de sa création après la guerre. En effet au lancement du RPF, de nombreux militants des ligues d’extrême droite des années 30, les Croix de Feu du colonel La Rocque et les Jeunesses Patriotes de Pierre Taittinger, ont adhéré au RPF et à son service d’ordre, important avec eux leur idéologie et leurs méthodes.

Enfin il aurait été utile de développer d’autres points importants qui concernent le SAC, comme par exemple l’infiltration du SAC dans les sectes néo-templières ou les liens entre anciens du SAC et du DPS. Car le SAC et le DPS ne partagent pas seulement un même mode de fonctionnement et d’organisation mais aussi des militants : ainsi Gilbert Lecavelier, ancien membre du SAC a longtemps fait parti du FN et du DPS. Et son cas n’est pas isolé.

Quoiqu’il en soit, l’histoire du SAC, comme le dit l’auteur lui-même, reste encore à écrire, puisque pour l’instant les archives sur le service d’ordre du RPF/RPR ont été, au choix, perdues ou cachées. Mais cette histoire n’est pas totalement terminée. Anticipant sa dissolution, les dirigeants du SAC avaient créé une structure de remplacement : le MIL (Mouvement Initiative et Liberté). Aujourd’hui certains députés UMP en font partie, et ses méthodes n’ont rien à envier au SAC : des militants anti-sarkozy à Lille l’ont découvert à leurs dépends lors du meeting de Sarkozy en mars 2007.

Source : REFLEXes

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